Mes impressions (tardives) sur Faster Than Light
« Dans l’espace, personne ne vous entendra crier ».
Si cette célèbre punchline peut résumer à merveille l’expérience proposée par Faster Than Light, ou FTL pour les intimes, difficile de ne pas y voir une cruelle métaphore de l’univers du jeu indépendant aujourd’hui. D’abord connu comme le premier jeu dont le développement à pu bénéficier de la générosité des donateurs de Kickstarter, il est malheureusement facile d’imaginer les obstacles que l’équipe de Subset Games a du surmonter afin de mener son projet à bout. En effet, en 2012, quel éditeur prendrait le risque de lancer un titre dont la majeur partie des interactions consiste à gérer le fonctionnement d’un navire spatial au gré de sa traversée de multiples galaxies ? Certainement destiné à une catégorie de joueurs dite « de niche » (comprenez pas assez importante pour qu’on s’y intéresse vraiment), se rappelant au bon souvenir des jeux micro et PC des années 80 et 90, FTL est pourtant bien plus qu’une simple lubie de vieux fans de gestion et de space opéra.
L’amer des Etoiles
Faute d’oxygène, mon équipage vient de lamentablement rendre l’âme après avoir seulement traversé une galaxie. Un conclusion bien piteuse après une bonne douzaine de parties. D’autant plus rageant que dès mon quatrième essai, j’étais parvenu à atteindre la sixième galaxie, soit les portes du combat final. Comment expliquer une telle déconvenue alors que je considère avoir bien compris les règles de FTL et intégré les subtilités de son gameplay ?
Devant l’écran de statistiques qui récapitule ma piètre aventure comparée à mes précédentes explorations aux scores bien plus honorables, je déroule dans ma tête le fil des évènements qui m’ont conduit à ce fiasco.
Mes deux membres d’équipage sont morts asphyxiés, faute d’avoir eu le temps de réparer le module d’oxygène. Ce dernier était en proie à un incendie après avoir reçu un missile en provenance du vaisseau pirate qui m’a accueilli dans ce secteur de la galaxie d’une manière aussi douce qu’une bonne vieille rupture par texto. Je pensais pourtant avoir le dessus dans ce duel, mes missiles anti-bouclier ayant atteint ses réacteurs à deux reprises, l’empêchant de prendre la fuite, pendant qu’un de mes drones de combat se chargeait justement de rendre hors service son générateur de bouclier.
Dans d’autres parties, avec un autre vaisseau, la fermeture des portes d’accès au module et l’ouverture des hublots de la salle en feu, auraient certainement permis d’étouffer rapidement le feu. Malheureusement, dans le Parpaing des Étoiles (doux nom donné par mes soins à mon navire), le module d’oxygène ne dispose d’aucune ouverture sur l’extérieur, m’obligeant à envoyer Raymond, l’un de mes deux membres d’équipage, éteindre l’incendie. Pauvre ingénieur de son état, Raymond doit alors abandonner son poste dans la salle du bouclier, me privant d’un bonus sur ce dernier. Malheureusement, l’incendie est plus sérieux que ce que je pensais. L’ingénieur voit sa barre de vie diminuer cruellement. Je décide d’envoyer Raoul, mon pilote, à son aide, me rappelant que deux personnes répareront les dégâts bien plus rapidement qu’un seul individu.
Les premières secondes me donnent raison. Le feu est éteint. J’en profite pour envoyer Raymond à l’infirmerie afin qu’il se soigne pendant que Raoul entreprend de réparer le module d’oxygène. Pendant ce temps, le combat a continué et a tourné en ma défaveur, un laser ayant endommagé ma salle d’armement. La situation étant plus que critique, la raison voudrait que je mette en terme à cet affrontement en prenant la poudre d’escampette (en voilà une expression qui était déjà bien rétro dans les années 80). La fuite n’est certes pas glorieuse, mais elle me permettrait au moins d’espérer poursuivre mon aventure. Peine perdue car, de toute façon, Raoul ayant abandonné le poste de pilotage pour réparer le module d’oxygène, impossible de fuir. De toute façon, même à sa place, le brave Raoul serait obligé d’attendre de longues secondes avant de pouvoir relancer les réacteurs. Je me prends à rager d’avoir dépensé mes précieux points d’amélioration pour un système de sécurité contre les intrusions bien inutile dans ma situation, au lieu de doter mon vaisseau d’un pilote automatique.
Tiens Raoul vient de mourir ! Pendant que je m’énervais sur mes mauvais choix, je n’avais pas remarqué que, malgré les efforts de mon pilote pour réparer le module, l’oxygène avait dangereusement baissé durant tout ce temps. Mes deux membres d’équipage ont donc vu leurs barres de vie diminuer plus rapidement que n’avançait la remise en état du module. Bien que requinqué après son passage à l’infirmerie, et ayant repris son poste dans la salle du bouclier, Raymond se retrouve seul dans le Parpaing des Étoiles. Dépité, je le renvoie prendre le relais de Raoul, en sachant de toute manière que le malheureux ingénieur n’aura pas suffisamment de temps et d’oxygène pour mener à bien sa tâche.
Si la situation n’était pas insoluble, même avec deux membres d’équipage, elle était quand même extrêmement délicate. La présence d’un troisième équipier m’aurait certainement permis de donner une tournure plus avantageuse à l’affrontement. Et pourtant, j’ai bien démarré le jeu avec trois hommes : Raoul, Raymond et Riton ! Seulement, dans un précédent secteur, j’aurais mieux fait de m’abstenir au lieu de visiter un vaisseau abandonné. J’y certes gagné un peu de carburant et quelques missiles, mais Riton y a aussi attrapé un mauvais virus qui l’a tué immédiatement.
En clair, j’ai pêché par excès de confiance. Rassuré après plusieurs parties où mes choix, mais aussi mes réserves et ma prudence, m’avaient permis de faire face à des situations autrement plus compliquées, j’en avais oublié qu’il valait mieux parfois suivre son chemin sans se montrer trop curieux.
Assez d’essais ! c’est du hard rogue !
Qu’on se le dise, même en mode normale, FTL est un jeu dur.
La durée d’une partie de FTL est aussi aléatoire que la longueur des parenthèses de Mikadotwix. Pouvant varier entre dix minutes ou plusieurs heures, l’une des grandes forces du jeu est de proposer à chaque aventure un contenu aléatoire (tout comme les fameuses parenthèses d’ailleurs) qui force à s’adapter à chaque situation sans avoir le luxe de s’appuyer sur ses souvenirs d’une partie précédente. Certes, le jeu tourne quand même autour de quelques moments clés incontournables, comme le déplacement sur la carte de la galaxie où la visite de magasins, mais tout le reste sera différent d’une aventure à une autre.
Ses différences vont des simples noms des galaxies visitées jusqu’à l’agencement et le nombre même des secteurs mis à votre disposition sur chaque carte. En passant évidemment par les évènements qui surviendront à votre arrivé dans ces dits secteurs.
Et parlons-en des évènements tiens ! Bien qu’au gré de mes parties, il m’ait été donné de tomber quelques fois, à peu de chose près, sur le même mystérieux vaisseau abandonné cachant en fait une entité qui finira par avoir la peau d’un de mes téméraires explorateurs (RIP Riton !), il faut reconnaître aux développeurs de Subset Games de s’être vraiment cassé le ciboulot pour imaginer un grand nombre de situations. Attaque surprise par des pirates, navire en détresse réclamant votre aide, champs d’astéroïdes venant endommager votre carlingue, j’en passe et des meilleures tirées du « space opéra pour les nuls ». Mention spéciale aux secteurs proches d’un soleil dans lesquels votre vaisseau risquera l’incendie générale si vous y traînez trop longtemps.
Tous ces événements sont sobrement contées par un texte (en anglais, le jeu n’ayant pas été traduit) qui aboutit très souvent à un petit choix : en gros passer son chemin comme un Jean Foutre, ou risquer sa peau en espérant une éventuelle belle récompense. Oui, éventuelle parce qu’après avoir secouru un vaisseau au prises avec des pirates, celui-ci se contentera parfois d’un simple « Merci pigeon, à plus ! ». A moins que vous ne décidiez de faire main basse sur sa marchandise, voire de réduire en esclavage son équipage ? Gnark, gnark !
De plus, afin de vous forcer à assumer vos choix dans votre stratégie d’exploration, il n’y a aucune sauvegarde. Une fois la sélection de votre vaisseau faite au début (parmi plusieurs aéronefs débloqués après avoir réussi certains objectifs), vous n’aurez plus qu’à aller le plus loin possible dans votre voyage. Rassurez-vous, le jeu propose quand même une option « quit & save » qui vous permet d’interrompre votre partie pour la reprendre un peu plus tard. Mais il vous sera impossible d’effectuer plusieurs sauvegardes vous permettant, tel l’Emmet Brown moyen, dans le cas d’une situation critique, de revenir quelques étapes en arrière pour modifier un choix malheureux. Sinon je peux vous assurer que Riton serait encore virtuellement des nôtres !
Le jeu laisse donc un place certaine au hasard.
Là où certains y ont vu un défaut du fait d’enchaînements des situations délicates ou, à l’inverse, trop faciles, échappant à la maîtrise du joueur sur son aventure, j’y vois plutôt une certaine cohérence par rapport au thème même de l’exploration spatiale. En effet, le joueur chevronné qui s’attend à ce que son expérience du genre, ses connaissances et ses réflexes lui permettent de surmonter le moindre obstacle risque de devoir ravaler sa fierté lorsqu’il va voir son équipage bêtement mourir dans une traversée d’astéroïdes.
Qui pourrait prévoir ce qui l’attend dans l’espace infini ? N’est-ce pas justement l’essence même de l’exploration que d’avancer vers l’inconnu en acceptant d’être le jouet du destin ? Le sentiment d’immersion qui éprend lors d’une partie de FTL provient justement de cet inconfort face à ce qui nous attend. L’équipage et le vaisseau ne sont pas indestructibles et la moindre erreur de jugement peut se payer chère.
A ce titre, J’inscris FTL dans la lignée d’un Super Meat Boy. Ces deux titres ont en commun de se montrer intransigeant avec le joueur, mais aussi incroyablement juste en couronnant chaque petite victoire par un sentiment de fierté qui n’est jamais dû au hasard lui. Là où le jeu de la Team Meat récompense la mémoire et les réflexes du joueur virtuose (et acharné), le titre de Subset Games fera briller votre sang froid et votre sens des responsabilités.
Arrivé à ce stade de l’article (il y a encore du monde d’ailleurs ?), les néophytes du genre, si ils ont osé poursuivre leur lecture, doivent se dire que FTL n’est pas pour eux car trop compliqué, trop impressionnant. Autant passer son chemin. Quelle erreur !
L’auteur de ces lignes ne connaissait pas grand chose aux rogue like avant de s’intéresser à ce jeu. Et c’est avec un mélange de curiosité et d’appréhension que je me suis lancé dedans. Curiosité pour un titre qui semble tout droit sorti des années 80/90 par son design sobre mais néanmoins classe et très identifiable ; appréhension par l’éventail de possibilités offert et les trésors de patience requis pour l’amadouer. Et pourtant, qu’il est facile de tout gérer dans FTL.
Subset Games a visiblement accompli un travail d’orfèvre pour proposer un jeu à la fois riche, complexe et addictif, mais aussi très accessible. La gestion de votre vaisseau est un exemple de simplicité et d’ergonomie. Que ça soit votre équipage, l’équipement, les armes, les différentes salles, la distribution de l’énergie en fonction de la priorité du moment, quasiment tout se contrôle sur l’écran principal avec une aisance désarmante. C’est bien simple, même si les raccourcis clavier sont présents et efficaces, FTL peut se jouer presque uniquement à la souris. Il n’a pas fallu trente minutes pour que votre serviteur se sente déjà à l’aise au commande de son aéronef. A ce titre, le tutorial proposé en option, à la fois clair et didactique, est un passage obligé pour le débutant voulant s’adonner aux joies de l’exploration spatiale. En clair, jamais vous ne perdrez de temps à chercher telle ou telle option dans l’interface qui se paie le luxe de se faire oublier progressivement au fil des minutes pour permettre de vous concentrer sur l’essentiel : l’aventure.
Après une poignée de parties de Faster Than Light, on ne se pose même plus la question de son succès depuis sa sortie en septembre 2012. Alliant tactique, mesure, improvisation et sang froid, il est tout bonnement jouissif de voir comment les initiateurs de ce fabuleux titre ont réussi l’exploit de rendre leur jeu incroyablement addictif par sa facilité d’accès et sa richesse déconcertante. Que ça soit par son interface aussi simple qu’efficace, son esthétique résolument simpliste mais néanmoins agréable, ou les ambiances musicales délicieusement aériennes de Ben Prunty, c’est toute la technique discrète de FTL qui semble se mettre au service de l’immersion dans cette odyssée spatiale.
Il n’y a rien à redire, Faster Than Light est un fier représentant du genre « allé, encore cinq minutes et j’arrête ». La marque des grands !
9 comments on “Mes impressions (tardives) sur Faster Than Light”
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Ça me fait méchamment envie.
N’hésite pas, il ne coûte déjà pas bien cher et il est souvent en promo à moins de 5 € 🙂
Pareil. Oz a toujours le chic pour acheter les jeux qui me rendent curieux, et me convaincre de les prendre.